Alors
les Grecs construisirent, avec l'aide d'Athéna, un cheval gigantesque en bois
de sapin. Ils firent croire que c'était une offrande aux dieux pour leur
retour. Mais ils cachèrent furtivement, dans les flancs du colosse, l'élite de
leurs guerriers en armes.
Or, non loin du rivage, en vue de Troie, il y avait
une île, du nom de Ténédos. C'est là que les Grecs firent voile, et ils
cachèrent leurs vaisseaux sur les plages désertes. Pendant ce temps, les
Troyens les croyaient partis et portés par le vent vers Mycènes.
A Troie, la joie succéda à l'affliction. Les portes qui avaient été
si longtemps fermées s'ouvrirent toutes grandes. Quelle joie de pouvoir errer
librement à travers le camp grec, de voir l'emplacement
des vaisseaux et le rivage abandonné !
Les Troyens restaient stupéfaits à la vue du cheval, don funeste fait
à la déesse Athéna, et admiraient sa taille
prodigieuse. C'est alors qu'un homme
leur conseilla de l'introduire dans la ville et de le placer dans la
citadelle même. Etait-ce trahison, ou déjà les destinées de Troie
s'accomplissaient-elles? Nul ne
pourrait le dire.
A la nouvelle de ce projet, le prêtre Laocoon accourut, furieux, du haut
de la citadelle. « Mes pauvres
concitoyens, s'écria-t-il alors qu'il était encore loin, quelle folie est la
vôtre? Croyez-vous que les ennemis sont réellement partis? Pensez-vous qu'il
est prudent d'accepter des Grecs un présent ? Ou bien des hommes sont cachés
dans ce bois, ou bien c'est une machine de guerre, faite pour épier nos
demeures et fondre d'en haut sur la ville ; ou encore il y a là un piège que
j'ignore. Défiez-vous de ce cheval, Troyens !»
A Ces mots, il lança un énorme javelot sur les flancs de la bête. Et
si la volonté des dieux n'avait pas été contraire, les Troyens se seraient
joints à lui pour saccager le repaire des Grecs, et Troie serait debout
aujourd'hui encore.
Mais
les dieux envoyèrent un terrible présage. Comme Laocoon, prêtre de Poséidon,
était sur le point d'immoler un taureau au pied
des autels, voici qu'arrivèrent de la mer deux terribles serpents. Se
jetant sur Laocoon et ses fils, ils les dévorèrent tous trois.
Alors une grande frayeur saisit tous les cœurs. Le
bruit courut que Laocoon avait été châtié pour avoir frappé de son javelot
le bois sacré. Aussi tous crièrent ils qu'il fallait conduire le cheval dans
la ville et implorer la protection de la déesse.
On fit une brèche dans les remparts. Chacun se mit à l'œuvre. On
glissa des roues sous les pieds du cheval, on passa des cordes autour de son
cou. Et tandis que garçons et filles chantaient des hymnes sacrés, il
s'avançait en glissant jusqu'au centre de la ville.
Quatre fois il s'arrêta au passage de la brèche, et quatre fois dans
ses flancs retentit le bruit des armes. Mais, sans y prendre garde, les Troyens
continuèrent. Ils placèrent le monstre fatal dans la citadelle consacrée,
tandis que les temples étaient ornés de feuillages de fête.
Cependant, la Nuit s'élançait de l'Océan. Bientôt les Troyens furent
plongés dans un profond sommeil. Et déjà l'armée grecque, partie de
Ténédos, voguait en bon ordre vers ces rivages familiers.
A
la vue d'une flamme sur le vaisseau royal, un Grec, qui s'était mêlé aux
Troyens, ouvrit le cheval de bois et libéra ses compatriotes cachés à
l'intérieur.
Ils se précipitèrent dans la ville endormie,
massacrèrent les sentinelles et, ouvrant les portes, accueillirent leurs
compagnons. Les cris des guerriers et l'accent des clairons s'élevèrent à la fois,
et les Grecs portèrent partout dans la ville le fer et le feu.
Ainsi tomba cette ville antique, qui avait été
pendant de longues années la reine de l'Asie. Et les cadavres de ses enfants
jonchaient de toutes parts les rues et les maisons et le
seuil même des
temples.