Alors
Zeus attela à son char deux chevaux rapides aux sabots de bronze, à la
crinière d'or. Tout vêtu d'or, et faisant claquer son fouet d'or, Zeus monta
sur le char et s'envola sur le Mont Ida. Là, il cacha ses chevaux dans un nuage
et s'assit près de son autel sur la cime, afin de contempler la ville et les
vaisseaux
Comme la journée s'avançait, — la bataille
faisait rage depuis l'aube —, Zeus déploya sa balance d'or. Il y plaça deux
Destins de mort, l'un pour les Grecs, l'autre pour les Troyens. Puis il souleva
la balance par le milieu, et le fléau s'inclina du côté des Grecs, marquant
pour eux le jour fatal. Alors Zeus, du haut de l'Ida, tonna avec force et lança
sur les Grecs un éclair qui frappa de terreur tous les hommes.
A
ce moment, ni Ulysse ni Agamemnon n'osèrent résister, ni les deux Ajax, si
vaillants guerriers qu'ils fussent. Le vieux Nestor se trouva en danger, quand
Paris eut frappé l'un des chevaux de son char, jetant le désarroi dans
l'attelage. Le vieillard aurait
perdu la vie, si Diomède, un autre héros, ne l'eût vu, et ne lui eût porté
secours.
Tandis que Diomède et Nestor fuyaient en direction
des vaisseaux, Hector cria à ses hommes :
« Troyens, l'heure est venue de montrer votre
valeur. Je vois que Zeus nous promet la victoire, comme la ruine à nos ennemis.
Regardez ces misérables murailles qu'ils ont élevées : elles ne serviront de
rien. Quant à leur fossé, nos chevaux le franchiront d'un bond. Allons aux
vaisseaux, incendions-les, et massacrons auprès de leurs navires les Grecs
suffoqués par la fumée. »
Zeus
inspira aux Troyens tant d'ardeur qu'ils repoussèrent les Grecs tout droit vers
le fossé. Hector marchait au premier rang. Il poursuivait les Grecs, tuant tous
ceux qui restaient les derniers, tandis que les autres s'enfuyaient. Enfin, ils
franchirent la palissade et le fossé, laissant de nombreux morts. Arrivés
près des vaisseaux, ils levèrent leurs bras vers le ciel et prièrent les
dieux. Hector faisait voltiger ses chevaux, et ses yeux ressemblaient à ceux
d'Ares, le dieu de la guerre.
A ce moment, la brillante lumière du soleil tomba
dans l'Océan, entraînant la nuit noire sur la terre. Les Troyens virent à
regret disparaître la lumière, mais les Grecs, eux, accueillirent la nuit avec
joie.
La nuit venue, Hector dut écarter ses troupes des
vaisseaux. Ils trouvèrent, près du fleuve, un espace libre entre les cadavres.
C'est là qu'ils tinrent assemblée, descendant de leur char pour écouter ce
que dirait leur prince.
« Troyens et alliés, dit Hector, je croyais, tout à l'heure, que nous
retournerions dans la ville, après avoir anéanti les Grecs et leurs vaisseaux.
Mais la nuit les a sauvés. Nous camperons donc ici et, au premier rayon
du jour, nous reprendrons le combat.
Amenez
de la ville des bœufs et de gros moutons, ainsi que du pain et du vin pour le
repas du soir. Apportez aussi du bois. Il faut que nous fassions brûler des
feux nombreux, de peur que l'ennemi ne tente de s'enfuir à la faveur de la
nuit. Ah ! puissé-je être immortel et à jamais soustrait à la vieillesse,
aussi vrai que ce jour est en train d'apporter le malheur aux Grecs. »
Ainsi parla-t-il, et les Troyens d'applaudir. Ils dételèrent leurs
chevaux et les attachèrent aux chars, puis ils apportèrent du bois et de la
nourriture.
Bientôt, entre les vaisseaux et le fleuve, des
feux brillèrent dans la plaine, aussi
nombreux que
les étoiles dans le ciel. Autour de chaque feu se tenaient cinquante
hommes, tandis que leurs chevaux étaient debout, près des chars, à manger le
bon grain.