Les dieux se trouvaient réunis dans le
palais de Zeus. Et tandis qu'ils buvaient le nectar dans leurs coupes d'or, ils
contemplaient la ville des Troyens.
Alors, Zeus voulut essayer de piquer Héra par des
paroles mordantes.
«
Je sais que Ménélas a, pour le défendre, deux déesses, Héra et Athéna.
Mais elles sont tranquillement assises, alors qu'Aphrodite vient de sauver Paris
d'une mort certaine. Toutefois, c'est bien à Ménélas qu'appartient la
victoire. Donc, si cela t'agrée, il ramènera Hélène chez lui, et la
ville de Priam restera debout. »
Ces
mots irritèrent Athéna et Héra qui méditaient la ruine de Troie. Athéna
resta silencieuse, mais Héra ne put se contenir.
«
Zeus, s'écria-t-elle, quels mots as-tu dits là ? Veux tu rendre mon labeur
inutile, et vaine ma sueur et la fatigue de mes chevaux lorsque je rassemblais
les armées par toute la Grèce. Tu dis que Troie va être épargnée.
A ta guise, mais n'attends pas que je t'approuve. »
Zeus
s'irrita à son tour : « Quel mal Priam et ses enfants t'ont-ils fait pour que
tu soies si résolue à détruire leur belle ville? De toutes les cités du
monde, Troie est la plus chère à mon cœur. »
«Tout
ce que je te demande, répondit Héra, est de permettre à Athéna de descendre
sur le champ de bataille et de pousser les Troyens à rompre la trêve. A coup
sûr, je mérite ces égards comme déesse et comme épouse. »
Zeus acquiesça. Athéna descendit d'un bond sur terre, pareille à un
météore. Les guetteurs dans la
plaine comprirent qu'elle apportait un message des dieux. Mais quel était-il :
la paix ou la guerre?
Athéna connaissait la réponse. Elle prit la forme
d'un guerrier troyen et se mit à chercher l'habile archer Pandaros.
«Pandaros, lui dit-elle, ne voudrais-tu pas gagner la faveur des Troyens
en faisant périr Ménélas d'une seule flèche de ton arc? Paris te donnerait
à coup sûr un très beau présent. Allons ! tire donc sur l'illustre
Ménélas, tout en priant Apollon à l'arc renommé et en lui promettant un
sacrifice. »
Ainsi dit Athéna ; le pauvre sot l'en crut. Il saisit son grand arc fait
des cornes d'un bouquetin et long de seize palmes. Il banda l'arc, puis le posa
à terre. S'abritant derrière les boucliers de ses compagnons, il prit dans son
carquois une flèche neuve empennée et l'ajusta
sur la corde.
Tout en priant Apollon, il tira en arrière la
flèche et la corde, jusqu'à ce que la corde fût près de sa poitrine. Quand
il eut tendu en cercle le grand arc, il lâcha la flèche : la corne crissa et
la corde retentit bruyamment.
A travers la foule, la flèche vola droit vers
Ménélas. Elle traversa le ceinturon, enfonça la cuirasse et déchira la
tunique. Mais Athéna n'avait pas oublié Ménélas : elle dévia la pointe de
la flèche. Le sang pourpre jaillit, mais aucun endroit vital ne fut atteint.
Un frisson saisit Agamemnon quand il vit le sang
noir couler de la blessure. Car comment pourrait-il rentrer à Argos sans son
frère à ses côtés?
Cependant Ménélas lui dit pour le réconforter :
« La blessure n'est rien et sera vite guérie. »
Alors Agamemnon fit venir le médecin Machaon, qui arracha la flèche,
défit le ceinturon et la cuirasse, et suça le sang de la blessure.
Puis il y appliqua quelques
baumes adoucissants.
Tandis que Machaon soignait Ménélas, les Troyens
commençaient à avancer en armes. Les Grecs reprirent donc leurs armes, et,
poussés par Athéna aux yeux pers, ils tournèrent leurs pensées vers le
combat.
Nul ne pouvait voir clair dans la mêlée. Comme
des loups. Grecs et Troyens se jetaient les uns sur les autres,
et chaque
homme abattait
son homme. Nombreux furent
les guerriers des deux armées qui, ce jour-là, tombèrent côte à côte dans
la poussière, payant de leur vie la rupture de la trêve.